Kabary : l’art oratoire malgache dans tous ses états

Art malagasy reconnu par l’UNESCO, le kabary est de coutume lors des événements ou traditions malgaches. Il témoigne de la faculté des Malgaches à allier art de parler et sagesse. Depuis des générations, le kabary sert à la fois d’entrée en matière, de négociations et de témoignage de solidarité selon la situation où il est sollicité (événement heureux, funèbres, officiels, etc.). Focus sur ce rite malgache incontournable.

Qu’est-ce que le kabary ?

Le kabary est un art de parler ou encore un art oratoire typiquement malgache qui existait déjà avant l’arrivée de l’alphabet latin et de l’écriture au pays. À cette époque, Madagascar était un royaume de tradition orale. Le kabary est un discours orné de poésies, de rimes, de proverbes ou « ohabolana et hai-teny malagasy ».

Durant cette époque de tradition orale, tous les conflits, les affaires sociales et familiales se réglaient à travers le kabary. Comme le hira gasy, il est utilisé quelquefois pour transmettre des messages moralisateurs ou pour transmettre des informations importantes.

Actuellement, le kabary reprend encore et toujours ses couleurs lors des événements politiques, familiaux et populaires.

Ambohimanga, un des célèbres lieux « fikabariana » lors de l’époque royale
Ambohimanga, un des célèbres lieux « fikabariana » lors de l’époque royale

On peut distinguer quatre types de kabary :

  • kabarim-panjakana : c’est le discours réalisé par le roi, le chef d’État, ou une personnalité politique lors des cérémonies officielles,
  • kabarim-pokonolona : discours lors des réunions ou manifestations populaires,
  • kabary an-kafaliana : comme son nom l’indique, ce sont les discours prononcés lors des jours heureux. Pendant un « vodiondry » ou fiançailles par exemple, les deux « mpikabary » trouvent un accord afin de concrétiser l’union. Il y a aussi les discours pour féliciter ou adresser des souhaits lors d’un baptême, d’une fête d’école, ou toute autre célébration faisant partie de cette catégorie,
  • kabary an-karatsiana : le malheur n’échappe pas à la tradition. Prononcer un discours de consolation et de réconfort est d’usage lors d’un deuil, ou encore lors d’un quelconque événement malheureux.

La structure du kabary

Bien qu’il y ait différents types de kabary, sa structure reste la même :

  • tari-dresaka : le tari-dresaka ou introduction est une petite poésie ou « hai-teny » que l’on récite afin d’attirer l’attention du public,
  • ala-sarona : le « mpikabary » se présente, il mentionne également les personnes auxquelles ils portent paroles,
  • azafady : associé à l’ala-sarona, le pardon consiste à demander la parole et d’honorer les personnes à qui l’on s’adresse,
  • fialan-tsiny : le « tsiny » est pour les Malgaches une faille, une sanction, ou encore un blâme que l’on peut nous reprocher à cause de nos actes ou de nos paroles. Dans un discours, il est important de s’excuser afin d’éviter les conséquences d’un quelconque non respect des règles ou tabou qui régissent la société,
  • hasina sy arahaba ary firarian-tsoa : il est important d’honorer, de saluer et de remercier les personnes présentes. L’honneur va premièrement à Dieu, puis aux ancêtres, vient ensuite, les personnes suivant la hiérarchie. La salutation et le souhait ainsi que le remerciement s’adressent à l’assistance,
  • ranja-kabary : nous arrivons maintenant dans le vif du sujet. Le « mpikabary » aborde dans cette étape la raison pour laquelle il prend la parole,
  • teny famaranana : la conclusion rappelle brièvement le vif du sujet, et se termine par le « tso-drano ».

Il est important de noter que lors d’un discours, on prononce toujours « Tompokolahy » avant « tompokovavy », contrairement à la culture occidentale, le fait de prononcer les femmes en dernier est un signe de respect pour les Malgaches. Dans la partie du « hasina sy arahaba ary firariantsoa », on mentionne particulièrement en dernier lieu les femmes ou « andriambavilanitra ».

Qui peut-être « mpikabary » ?

Dans la culture malgache, un homme se doit de savoir prendre la parole en public, autrefois, ils étaient les seuls à pouvoir être des « mpikabary ». La femme, par contre, n’avait pas le droit de parler publiquement, elle devait se taire. Mais l’exigence ne reste pas à ce niveau, la parole ou le kabary était destiné aux aînés. Prendre la parole à la place d’un homme plus âgé était autrefois interdit.

Actuellement, cette tendance n’est plus, les femmes et les jeunes peuvent devenir « mpikabary », des cours d’art oratoire sont ouverts à la FI MPI MA par exemple (Fikambanan’ny Mpikabary Malagasy) et tout le monde peut y participer. On peut même voir des oratrices et jeunes orateurs partout à Madagascar et à l’étranger. Passionnés, ils assurent très bien leurs rôles.

La présidente du FIMPIMA est une femme ! Eh oui, nous, la gent féminine, avons le droit d’être « mpikabary »
La présidente du FIMPIMA est une femme ! Eh oui, nous, la gent féminine, avons le droit d’être « mpikabary »

Néanmoins, un orateur se doit d’être conscient de la responsabilité qui l’incombe, il doit prendre en compte l’importance de chaque étape.

Notons juste qu’il ne convient pas aux plus jeunes de prendre la parole dans certains cas, comme lors du discours d’un « vodiondry » ou encore lors d’un enterrement.

Les orateurs, dans l’exécution de leurs tâches, sont vêtus de façon « gasy gasy », habituellement, ils portent du lamba landy malgache.

Le lamba landy peut être associé au kabary
Le lamba landy peut être associé au kabary

Le kabary est un art malgache qui a évolué avec le temps. Notre chère île possède une richesse culturelle qui la rend intéressante et unique. Le kabary réunit en lui seul les proverbes, les poésies et les rimes malgaches, avec parfois un peu d’humour et de l’ambiance. L’identité de Madagascar se crée à travers ces arts comme le kabary qui reflètent la sagesse des ancêtres et du peuple.

Le MGforum de Stileex

6 Commentaires

  1. Tatianah Tiavintsoa Tatianah Tiavintsoa

    Ton article est super @Hoby, merci. En effet, le kabary figure parmi les plus vieilles pratiques de notre île et il confirme la place de l’oralité dans notre culture. Cet art permet de jongler à l’infini avec la richesse de la langue malgache.

  2. Koloina Rasoahoby Koloina Rasoahoby

    Le kabary est un art qui m’a toujours fasciné. J’adore entendre les rimes et les proverbes pour négocier lors du vodiondry ou fiançailles malgaches. Mais je pense qu’il faut un don pour le pratiquer :P. Tout le monde n’a pas la capacité de mémoriser tous ces proverbes et en plus, l’art oratoire n’est pas fait pour tout le monde. Il y a des personnes qui ne sont pas du tout aptes à parler devant un public.

    • @Koloina, c’est vrai que ce n’est pas facile de mémoriser divers proverbes et « hai-teny », mais quand c’est une passion, tout devient facile :p.
      Le kabary est aussi un moyen d’apprendre à parler devant un public. Bien sûr, l’idée n’est pas forcement de devenir professionnel en la matière, mais de vaincre la peur et d’apprendre à prendre la parole.

    • Je pense que tu peux apprendre par cœur les proverbes et « haiteny » si tu suis des cours d’art oratoire mais avant tout, il faut surtout que le kabary soit une passion, ainsi tu peux inventer de nouveaux « oha-pitenenana » à ta façon.

  3. Eh oui! Les mpikabary peuvent être des Mpihiragasy. Ils sont géniaux! Ils racontent souvent des histoires qui font rire.

  4. Miharintsoa Rajaonary Miharintsoa Rajaonary

    Le kabary est un moyen de conserver la langue, la culture mais surtout, les coutumes malgaches. Dans la structure du kabary, le « fialan-tsiny » est une étape cruciale. Car pour nous, il est considéré comme une menace très dangereuse.
    Homme ou femme, quel qu’en soit l’âge, peut devenir des mpikabary. Et généralement, il y a trois hiérarchies d’orateur : « Taninketsa » (ou pépinière), Mpiofana (ou apprenti) et « Mpandalina » (ou expert).

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