Pendant la période de la colonisation française, le Nouvel An malgache a été célébré clandestinement. Les colons ont aboli cette fête nationale, car elle est liée à des pratiques ancestrales. Mais il est important de connaître les origines ainsi que les différents rituels de célébration de ce jour festif. De la période de la royauté jusqu’à nos jours, le Nouvel An a connu quelques changements d’appellation. Découvrons les origines et les rituels traditionnels de la célébration du Nouvel An malgache.
Le Nouvel An malgache : de l’appellation Alahamadibe à Taombaovao malagasy
L’appellation de cette fête nationale a toujours évolué au fil du temps et des circonstances. Jusqu’à la fin du règne d’Andrianampoinimerina, la célébration était connue sous le nom « alahamadibe » dû au fait qu’on a choisi le jour de la première lune du mois alahamady (entre mars et avril) pour le célébrer.
Quand le roi Radama Ier est arrivé au pouvoir, en 1810, la religion chrétienne a pris le dessus, du coup il voulait se détacher de l’appellation Alahamadibe, car cette dernière était liée à des pratiques profanes comme des cultes morbides et des orgies. À partir de 1810, le Nouvel An malgache a pris le nom « fandroana » qui signifie bain : c’est la période du bain des rois.

De 1881 à 1896, le Nouvel An malgache a été célébré le 22 novembre, car c’était le jour d’anniversaire de la reine Ranavalona III qui régnait à l’époque. À partir de là, cette fête a été appelée Asaramanitra, car le mois de novembre était dans la saison du Asara (montée du riz, le PPN le plus consommé à Madagascar, de novembre à janvier). L’appellation Asaramanitra est d’ailleurs utilisée pour célébrer les fêtes comme la fête de l’indépendance.



Actuellement, elle est connue sous le nom de « taombaovao malagasy » qui signifie littéralement Nouvel An malgache. Cette appellation résulte d’un accord de l’Académie Nationale malgache et du Trano Koltoraly Malagasy (maison culturelle malgache).
Le taombaovao malagasy n’a pas de date fixe
Comme nous le savons déjà, le calendrier pour déterminer les mois, les jours et les heures malgaches est un calendrier lunaire. Si l’on suit cette logique, la première lune détermine le premier jour du mois, d’ailleurs, le mois en malgache est appelé « volana », signifiant lune au sens littéral. Un mois correspond donc à une lunaison.
Le mois d’Alahamady est aussi le mois de récolte de l’aliment de base à Madagascar, le riz. Cette saison marque la fin des pluies que les Malgaches appellent « fararano » (fin des eaux). Pendant cette période, les habitants célèbrent leur victoire face aux pluies dévastatrices. C’est pour cela que le mois Alahamady a un destin festif et signifie puissance et richesse.



Cette célébration au début du Alahamady est aussi liée au roi Andrianampoinimerina qui était un grand roi malgache. Ce roi de l’Imerina a promu l’unification des royaumes à Madagascar. Andrianampoinimerina est né le premier jour du moi Alahamady, alors les Malgaches associent son destin à la fin du « maintso ahitra » signifiant famine, car ce roi avait sa grande philosophie « fahavaloko ny mosary » (la famine est mon plus grand ennemi). Le mois d’Alahamady signifiait la fin des dangers pour les Malgaches. C’est aussi le premier mois de l’année, donc le Nouvel An malgache est célébré pendant la première lune du Alahamady.



La célébration traditionnelle du Nouvel An Malgache
Pendant son règne, de 1575 à 1610, le roi Ralambo a officialisé la célébration du Alahamadibe dans le but de régénérer sa pureté. Ce roi est également né le premier jour du mois Alahamady. La première célébration officielle du Nouvel An s’est déroulée pendant la première lune du mois Alahamady en 1575 sur la colline sacrée d’Ambohitrabiby.
Après la cérémonie du « afo tsy maty » (feu éternel), des zébus royaux appelés « omby volavita » sont abattus sur les 12 collines sacrées de l’Imerina qui sont Ambohimanga, Alasora, Antsahadinta, Ikaloy, Ambohitrontsy, Analamanga, Ilafy, Ambohitrabiby, Namehana, Apandrana, Imerimandroso et Imerimanjaka. On priorise l’abat des zébus de la colline d’Ambohitrabiby. Ainsi, les « trafonkena » (bosses) des zébus de cette colline sont offerts aux rois. Le Nouvel An malgache est associé à des rites qui ont été mis en place par le roi Ralambo.
Fandroana ou bain royal
Le bain royal a lieu le jour qui précède la célébration du Alahamady. Ce rituel, pour le souverain est très important, car c’est le renouvellement de son « hasina » qui est sa pureté. Le bain du roi a lieu au coin nord-est de sa demeure ou au « zoro firarazana ». Après son bain, le roi est vêtu d’une étoffe neuve en landy, ou en soie. Cette étoffe pourpre est tissée par les Andriandoriamanjaka d’Ambohidrabiby (une famille royale).
Pour le peuple, le bain est aussi signe de purification et de bénédiction.
Le feu éternel ou « afo tsy maty »
La veille de la célébration du taombaovao malagasy, les femmes et les enfants font 7 fois le tour du village avec des harendrina ou lampions malgaches. Ce rituel vise à chasser les mauvais esprits et les malédictions. Le chiffre 7 est un chiffre sacré dans la culture malgache et la lumière des lampions signifie vie, chaleur et bonheur. Pour la cérémonie du « afo tsy maty », c’est la colline d’Ambohitrabiby qui est priorisée, car c’est la colline du roi Ralambo.



Après cela, à la tombée de la nuit, la célébration continue par une nuit blanche ou « andro tsy maty » qui consiste au rituel de l’orgie collective. Cette pratique ne considère ni statut social ni lien matrimonial.
Santatra
Le santatra signifiant commencement désigne l’accueil du jour de la fête nationale. De bon matin, les Malgaches sortent de nouveaux habits et se mettent sur leur trente-et-un. Le santatra est donc le renouvellement, car même les habitants visent même à renouveler les « tsihy » ou natte de leur maison.
Le rituel de la bénédiction ou « saforano misandratr’andro »
Très tôt le matin, au « mazava ratsy » (vers 4h30 et 5h du matin), les Malgaches puisent de l’eau pure. Cette eau est ensuite chauffée dans un récipient en argile puis déposée dans la demeure royale. Au début de la journée, les aînés et les parents accordent leur bénédiction aux membres de la famille. Tout le monde plonge ensuite la main dans la cruche d’eau et verse quelques gouttes sur leur tête. C’est à ce moment que les aînés prononcent les vœux de bonheur et de réussite pour l’année qui commence.



Tatao
Le riz, accompagné de lait et de miel « vary sy ronono sy tantely » est un aliment de fête chez les Malgaches. Ils servent ce plat aux invités pendant les jours de bonheur. Cet aliment fait même partie des rituels de la construction de maison à Madagascar.
Pendant le Nouvel An malgache, le riz arrosé de miel et de lait sert de plat principal. Le riz, qui est l’aliment de base malgache est synonyme de bénédiction chez les Malgaches. Le miel connote bonheur et le lait est synonyme de vie.
Nofo-kena mitam-pihavanana
Cette pratique favorise le « fihavanana » qui est une valeur malgache très importante. C’est le moment où on abat les zébus et les « omby volavita », les zébus des proches du roi sont les premiers à être abattus. Après cela, on commence le partage de la viande de zébu qui est signe de solidarité et de joie.



Zara hasina
Ce rituel est issu de la philosophie du roi Andrianampoinimerina « fahavaloko ny mosary ». C’est un culte dédié aux ancêtres, qui sont pour les Malgaches des protecteurs et bénissent leurs descendants. Le Zara hasina est alors le rituel d’offrande dans l’espoir d’éloigner la famine.
Ces rituels sont ensuite suivis par des festivités et une ambiance joviale. Des chants et des danses traditionnelles comme le hira gasy animent les fêtes. Pendant les festivités, le rhum traditionnel malgache ou toaka gasy est aussi une boisson très consommée.
La célébration du Nouvel An malgache de nos jours ne fait plus appel à ces pratiques ancestrales dû au fait que les idéologies et les religions se sont divisées. Le Nouvel An malgache a aujourd’hui une célébration libre selon l’ethnie et la culture. Pendant le taombaovao malagasy, des festivités sont organisées par le Trano Koltoraly Malagasy pour promouvoir la culture et l’art malagasy comme le Kabary. Toutefois, ce jour devrait être célébré comme un jour festif et un jour de prospérité, car l’identité malgache réside aussi dans ces pratiques.