27/09/18. Faisant suite aux deux études statistiques que l’équipe Stileex a mené sur l’e-commerce à Madagascar en 2017 et 2018, il est intéressant de faire maintenant le point sur les perspectives de développement du commerce électronique dans le pays, et les retombés économiques potentielles pour la Grande Île. Qu’attend la clientèle en ligne malgache ? Quelles sont les voies de développement des boutiques web ? Comment le développement du commerce en ligne impactera-t-il Madagascar ? Autant de questions auxquelles nous allons maintenant tenter de répondre.
> Voir l’étude statistique sur le e-commerce à Madagascar en 2018
> Voir l’étude statistique sur le e-commerce à Madagascar en 2017
> Voir toutes les études statistiques menées par Stileex à Madagascar
Se lancer dans l’e-commerce à Madagascar, est-ce que ça en vaut le coup ?
Regardons tout d’abord du côté de l’étude menée par le cabinet McKinsey&Company sur le potentiel de transformation de l’Afrique par l’Internet. Elle indique que si les investissements dans les infrastructures en Afrique se maintiennent, alors Internet pourrait ajouter 300 milliards de Dollar par an au PIB du continent.

Ok, ce n’est pas trop parlant pour le vendeur en ligne sur Facebook, d’autant plus que McKinsey&Company englobe dans le terme d’Internet d’autres activités à part celle du e-commerce (les services financiers, l’éducation, la santé, l’agriculture et le gouvernement).
Néanmoins cette étude estime que d’ici 2025, le commerce électronique pourrait représenter 10% de toutes les ventes au détail de l’Afrique, soit un revenu global annuel de 75 milliards de Dollar pour 600 millions de consommateurs actifs.
Si l’on regarde du côté de nos voisins, au Nigéria, on remarque que le chiffre d’affaires de Konga, l’un des leaders du commerce en ligne en Afrique, est passé de 700 000 dollars en 2012 à plus de 50 millions en 2014 (source). Ça fait rêver n’est-ce pas ?
D’autres acteurs de l’économie numérique se positionnent même sur le marché africain en attendant (passivement ou activement) que le secteur décolle réellement. Jumia en est un parfait exemple : présente dans 23 pays africains, dont Madagascar, cette plateforme en ligne a reçu en 2016 plusieurs centaines de millions d’euros de fonds d’investissement européens. Malgré tout (et malgré son chiffre d’affaire s’élevant à 135 millions d’euros en 2015), le groupe Jumia est toujours déficitaire (source). Mais ils y croient !!! Alors peut-être que vous aussi vous devriez vous lancer et investir :)
On pourrait également parler de la croissance continue du taux de pénétration d’Internet à Madagascar ou de l’augmentation toujours plus rapide de l’usage des smartphones dans la Grande Île, mais ça ne serait qu’enfoncer des portes ouvertes.
Le potentiel est là et aucun acteur n’est encore prédominant sur le marché. La place est à prendre !
Les boutiques e-commerces malgaches actuelles et perspective immédiate de leur développement
Nous avons relevé 9 principaux acteurs du commerce électronique à Madagascar à l’occasion de notre dernier classement des sites web les plus visités de la Grande Île:
- bonmarche.mg avec une estimation de 654 visites organiques mensuelles
- hexagone.mg, 607
- leaderprice.mg, 516
- smarteo.mg, 355
- moravidy.com, 176
- exeia.com, 166
- mediastore.mg, 152
- mbike.mg, 98
- massin.mg, 16
Pour comprendre ce classement, il faut comprendre la notion de trafic organique. C’est le volume de visites générés par les recherches sur les moteurs de recherche, pour des mots clés non achetés. En d’autres termes, les visites organiques sont directement corrélées avec le positionnement des sites web dans les moteurs de recherche.
En comprenant cela, on se rend compte qu’une excellente piste pour développer le e-commerce à Madagascar passe par l’amélioration des techniques de référencement. Plus de visiteurs, c’est plus de ventes. C’est donc une perspective de développement liée aux compétences techniques de nos compatriotes.
Une autre perspective de développement liée à la compétence technique tient dans l’utilisation de logiciel de gestion intégré, les ERP. En effet, pour être efficace et diminuer les prix pour être plus compétitifs, il est important de bien gérer son entreprise, et dans le cas précis du e-commerce, de parfaitement automatiser les tâches. Notons par exemple l’utilisation de plus en plus courante d’une boutique e-commerce comme WordPress ou Prestashop avec le logiciel de gestion Openflex, grâce à des passerelles de communication automatiques.
Que veut la clientèle en ligne malgache ?
D’après nos dernières études statistiques, les consommateurs achètent surtout des produits d’habillement (52%) et hi-tech (36%) sur Internet, notamment via le réseau social Facebook (pour 95% des acheteurs en ligne à Madagascar). 4 clients sur 5 achètent en ligne pour leurs besoins personnels (seulement 17% pour leurs besoins professionnels).
De plus, il est à noter que plus de la moitié des consommateurs dépense en moyenne entre 20 000 et 100 000 Ar par achat. De 2017 à 2018, le pourcentage de ceux qui dépensent en moyenne plus de 500 000 Ar par achat en ligne a perdu 18 points au profit de la tranche précédente. Ce qui signifie que le montant moyen des transactions en ligne devient de plus en plus faible.
Les non consommateurs (ceux qui n’ont jamais acheté en ligne) mais qui sont disposés à le faire (soit 41% des non consommateurs), avancent que les principaux freins à l’achat sont les problèmes de paiement en ligne et le manque de confiance dans l’économie numérique à Madagascar (plus de 50% des sondés).
Fort de toutes ces observations, ceux qui veulent se lancer dans l’e-commerce en limitant au maximum les risques d’échec devront :
- Vendre de préférence des vêtements sur Facebook, appuyé si possible par une boutique en ligne même sommaire
- Faciliter et assurer un excellent suivi des paiements (et des éventuels remboursements) par mobile money (voir notre étude sur le mobile money à ce sujet)
- Proposer des produits entre 20 000 et 100 000 Ar de préférence
- Gagner la confiance des clients (avoir pignon sur rue, avoir une activité avec un bon et long historique, recueillir et partager les avis clients, maintenir une expérience client positive, etc.)
Toutes les boutiques physiques d’habillement sont finalement prédisposées à faire de la vente en ligne, si tant est qu’elles investissent dans une présence sur Internet et dans la logistique de livraison.
Les retombés du développement du e-commerce pour Madagascar
Parler de perspectives de développement du commerce électronique à Madagascar, c’est également comprendre les retombés économiques pour la Grande Île, et elles sont nombreuses.
Tout d’abord l’e-commerce dans un pays d’Afrique doit avant tout maîtriser le paiement à distance via les mobile money, largement plus utilisés que les comptes bancaires (selon le FMI, 17% de la population malgache a eu recours au mobile money en 2017, alors que le taux de bancarisation ne dépasse pas les 5%). Or, les moyens de paiement électroniques font circuler l’argent plus rapidement, ce qui au final, selon le FMI, génèrera plus de PIB. Ainsi, en faisant passer 10% de l’argent d’une économie par des moyens de paiement électroniques, on générera 1 point de croissance du PIB en plus. Pour les dirigeants qui seraient en mal d’idées pour faire avancer Madagascar, voilà déjà une bonne piste… Donc si je résume, l’e-commerce pourrait mécaniquement augmenter le PIB sans même prendre en compte la valeur ajoutée intrinsèquement créée par l’activité elle-même.
Dans un marché clairement dominé par l’informel, l’e-commerce pourrait également aider à formaliser les activités économiques des commerçants.
Les besoins en logistique du e-commerce pousseraient les infrastructures du pays à se développer : routes, Internet, télécommunication, mais également un service postal et de livraison fiable (logistique du dernier kilomètre).
Sans compter qu’avec une plus grande demande en infrastructures web (pour héberger les services en ligne), de vrais datacenters pourraient enfin voir le jour à Madagascar et nous pourrions, pourquoi pas, devenir un hub de la donnée en Afrique (ou tout du moins récupérer notre souveraineté sur nos données…). C’est en tout cas ce qu’un acteur du web à Madagascar s’est donné comme mission : l’hébergeur web Simafri qui compte aujourd’hui près de 1000 entreprises malgaches dans son portefeuille clients.
Personnellement, je pense que l’agriculture est le premier potentiel de développement de Madagascar, puis le tourisme et l’industrie de transformation, mais le commerce électronique n’est pas bien loin derrière ;)
Et si on innovait ?
Jusqu’à maintenant nous avons envisagé l’e-commerce sous sa forme « classique », comme celle qu’on voit dans les pays développés. Une boutique en ligne, des produits que l’on reçoit par la poste, etc.
Mais n’oublions pas que Madagascar, et plus généralement tous les pays d’Afrique, sont passés directement au téléphone mobile sans s’attarder sur les téléphones filaires. Madagascar et ses voisins sont passés au mobile money (et bientôt au mobile banking) sans passer par la case compte en banque classique.
Et si l’e-commerce dans la Grande Île devait suivre la même voie ? Par exemple, vendre via des applications mobiles plutôt que par des boutiques en ligne classiques ? Ou encore vendre des produits et services qu’on ne pourrait pas trouver dans les magasins physiques (en Europe, les sites e-commerce étaient tout d’abord une extension d’une enseigne physique…). Et si l’e-commerce à Madagascar servait avant tout à commercialiser les produits et les services nationaux à l’étranger sans passer par des intermédiaires, directement du producteur/fournisseur au consommateur/client ?
Le modèle du e-commerce à Madagascar et en Afrique doit être résolument différent de ce qu’on connaît aujourd’hui. Il doit trouver sa propre identité endémique.