Pierrot Men : une légende de la photographie, guidée par le cœur !

La photographie est le moyen le plus efficace pour capturer les événements et de les retranscrire. À Madagascar, nous avons un grand passionné de cet art, le célèbre Pierrot Men. Et chez Stileex Post, on a eu la chance de l’interviewer. Un grand homme avec un grand cœur qui représente le pays à l’international et qui, de par ses clichés, livre un hommage émouvant à son île.

Parlez-nous un peu de vous. Qui est le fameux Pierrot Men ?

Je m’appelle Cheng Hong Men Pierrot. On me connaît sous mon nom d’artiste : Pierrot Men. Je suis né le 21 novembre 1954, dans la petite localité de Midongy-Sud, dans la partie Sud-Est de Madagascar. Avant-dernier d’une fratrie de 8 enfants, mon père est un immigrant chinois et ma mère est franco-malgache.

Je vécus toute mon enfance dans le village de Midongy-Sud. Et, je fis aussi mes classes de primaire là-bas. C’est plus tard que je suis monté à Fianarantsoa pour mes études secondaires.

« Ecce homo »

Quand est-ce que vous avez commencé à faire de la photo et qui vous y a inspiré ?

Tout d’abord, j’ai débuté par de la peinture avant de faire de la photographie.

En fait, c’était en classe de troisième. Je faisais mes études secondaires dans le collège Saint François-Xavier et un jour, un peintre est venu nous rendre visite dans notre classe pour parler de son travail et nous montrer ses œuvres. Ce peintre c’était Monsieur Razafintsalama.

Il nous présenta ses œuvres et je fus conquis. À partir de cet instant, j’ai commencé à prendre des photos et je les retranscrivais sur les toiles. J’ai arrêté mes études en classe de troisième et j’ai voulu en faire ma vocation. J’ai commencé par des copies de mes propres photographies.

Pierrot Men, lors de notre interview au Labo Men

Mes parents n’ont pas vraiment considéré cette voie comme la meilleure option, mais j’ai insisté. J’ai passé environ 15 ans de ma vie à faire de la peinture et c’est après que je suis passé dans le monde de la photo.

Racontez-nous un peu le parcours de Pierrot Men ?

Mes parents n’étaient pas d’accord pour la peinture, et mon père ne voulait plus subvenir à mes besoins. À partir de là, je suis venu à Antananarivo entre les années 1970 et 1971 avec un ami, un collègue peintre, Monsieur René Fulgence.

Déjà à cette époque, le coût de la vie à Madagascar était assez élevé. Il a été difficile de vendre nos toiles, mais nous étions motivés. Cependant, les grèves de 1972 ont incité mon père à me demander de revenir à Midongy-Sud. Je suis alors revenu chez moi pour aider mon paternel dans notre épicerie familiale. Mais je n’ai pas pour autant abandonné ma passion pour la peinture.

J’ai ensuite quitté le cocon familial, j’ai trouvé un travail dans la ville de Fianarantsoa et je m’y suis installé.

Un jour, un ami est venu visiter mon atelier, je lui ai présenté mes toiles et les photographies dont je me suis inspiré. C’est ce dernier qui m’a incité à passer à la photo. Il m’a fait remarquer mon talent pour cet art.

En une journée j’ai abandonné la peinture pour me consacrer à la photographie et je suis photographe depuis 40 ans maintenant.

Pour Stileex Post et vos fans, la majorité de vos photographies sont très touchantes et engagées. Avez-vous choisi ce style dès le départ ?

Pas du tout, même si je suis connu pour cela. J’ai fait de la photo parce que j’aime ça. Ce n’est pas un style à part entière, mais plutôt ma marque de fabrique. Comme vous le savez, mon école c’est la vie.

Donc j’apprécie profondément prendre des scènes de la vie de tous les jours. C’est le cœur à l’ouvrage qui donne ces sentiments de tristesse, de joie, de mélancolie ou autre. Il y a des messages subliminaux à travers les photos prises.

Eh oui, engagé car je tiens à montrer aux autres que Madagascar est un pays qui mérite d’être connu.

Je trouve mon inspiration principale dans la ville de Fianarantsoa qui me donne la majorité des clichés que je fais.

Une œuvre pleine d’intensité

Pierrot Men, quels sont les endroits les plus marquants où vous avez pris des clichés ?

Dans le sud, dans la localité de Tsiverena. Comme vous le savez, dans cette partie de l’île la sècheresse règne toute l’année. C’est l’association MADR qui m’y a emmené.

J’ai été particulièrement touché de voir une file énorme de bidons jaunes devant la seule pompe à eau de tout le secteur. Et pourtant, à quelques mètres de là, une fillette prend de l’eau boueuse qu’elle filtre un peu avec des feuilles d’arbres.

Elle a ramené ses bidons chez elle et a bouilli l’eau qu’ils vont boire dans la famille. C’était très touchant ! Malgré cette situation, cet enfant reste souriant.

J’ai pu ressentir le contraste de cette ville avec Maroantsetra où l’eau est abondante à cause de la pluie toute l’année sur la partie Est de l’île.

Quelle est la photo la plus marquante que vous avez prise ? Laquelle est votre préférée ?

La plus marquante c’est sans aucun doute celle que j’ai prise à Tsiverena. La vue de la fillette et de son bidon remplie d’eau boueuse m’a vraiment marqué jusqu’aux tréfonds de mon âme.

Un cliché de Pierrot Men


Et concernant le cliché favori, je n’en ai pas puisque toutes les photos que je prends me tiennent à cœur et sont toutes importantes à mes yeux.

Une anecdote très connue à propos de vous, celle de la petite fille, pouvez-vous nous la raconter à nos lecteurs ?

Ça remonte vers les années 2000, dans le village de Mahely sur le canal de Pangalane. Je connaissais très bien le lieu, vu que mon père travaillait sur le chantier.

Et comme vous le savez, je prends mes clichés selon mon feeling. Donc, j’ai pris cette petite fille à son insu.

Au courant de l’année 2018, une chaîne française m’a contacté pour une collaboration. J’ai su que nous devions passer par le village de Mahely. Du coup, développer la photo de cette petite fille m’a paru être une très bonne idée.

Lors de la remise du cliché, l’équipe télévisée a filmé la scène. Elle est devenue une femme mariée, avec deux enfants. C’était un moment unique et formidable.

La splendeur du moment

Quel événement vous a le plus marqué durant toute votre carrière ?

J’ai participé à beaucoup de concours et de rencontre dans le monde de la photo. À titre d’exemple, celui de Bamako en 1994, où j’ai eu le prix. J’ai aussi reçu le trophée Leica en 1995.

Mais celui qui m’a le plus marqué c’était en 1997, lors des troisièmes jeux de la francophonie à Antananarivo. À cette époque, je représentais les Malgaches et j’étais fier de porter haut les couleurs de Madagascar.

Vous avez collaboré avec beaucoup de personnes sur vos livres, y en aura-t-il d’autres en perspective ?

Oui, j’ai travaillé avec Madame Joëlle Ody qui était journaliste depuis 20 ans chez Paris Match, une fine plume d’expérience. J’ai aussi collaboré avec Luc Raharimanana qui a mis des mots sur mes photos dans le livre « Portraits d’insurgés ».

Pour moi, tout est dans la photo, c’est elle qui parle. Cependant, j’ai besoin que les mots de mes collaborateurs renforcent les messages que j’ai envie de transmettre.

La couverture du livre de Pierrot Men, la mer comme quotidien

Et pour répondre à la question, oui, il y a un autre livre en cours. Le titre de ce prochain volet est : Zazakely Sambatra.

La photographie commence à prendre une certaine place à Madagascar. Beaucoup de jeunes s’y sont mis par passion et par nécessité. Avez-vous quelques mots pour eux ?

Oui, il y a des jeunes intéressants qui surgissent de toute part et qui font de bonnes photos. Mon seul conseil est de faire des photos pour soi tout en y mêlant la passion et le cœur.

Ensuite, essayez de faire une exposition de vos meilleures prises dans des festivals ou des galeries.

Il faut faire de son mieux avec son cœur et son âme, la persévérance est la clé du succès.

Pierrot Men un homme qui vit pour sa passion

Nous avons eu l’honneur de rencontrer Pierrot Men, cette légende vivante malgache de la photographie est un exemple et une inspiration pour tous. Un grand homme avec un coeur en or et avec un talent inné. Un honneur, c’est le mot qui qualifie cette rencontre.

Pierrot Men nous a accueilli, dans son show-room sis à Tana Water Front, avec le sourire. Je vous invite à vous rendre au Labo Men pour découvrir ses photographies. La rencontre avec la culture malgache, l’émotion et la passion seront au rendez-vous.

Au cours de notre entrevue, j’ai appris de Pierrot Men qu’il fallait aimer la photographie, les plus belles photos viennent du cœur et de la passion.

Pierrot Men, merci à vous pour ce moment de partage inoubliable !

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