22/12/2017. Le groupe australien Base Resources vient de prendre le contrôle du projet minier Toliara Sands. En investissant 75 millions de dollars ses responsables misent sur le potentiel en minerai d’ilménite du site de Ranobe qu’ils considèrent comme le plus important au monde.
Toliara Sands
Les investissements miniers se poursuivent à Madagascar. Après Rio Tinto-QMM à Tolagnaro, après le consortium Sheritt International Corporation, Sumitomo Corporation, Korea Resources Corporation à Ambatovy, le projet World Titane Holding de Toliara Sands vient de se renforcer grâce au concours du géant australien Base Ressources.

©baseresources.com
L’entrée de ce nouveau partenaire, désormais majoritaire, se concrétise par un investissement de 75 millions de dollars américains. Cette société cotée en bourse à Londres et en Australie, possède notamment la mine de Kwale au Kenya où elle exploite aussi, depuis 2014, des sables minéralisés pour en extraire de ilménite, ritule et zircon. L’ilménite est un dioxyde de titane très demandé actuellement dans l’industrie. Le zircon est lui utilisé dans l’industrie nucléaire.
Ranobe, premier site mondial d’ilménite



Le projet Toliara Sands est considéré par Base Resources comme « le meilleur projet de développement des sables minéralisés au monde disposant d’une ressource de 857 millions de tonnes à 6,2% de minerais lourds ». Base Resources s’est engagé à apporter 100 millions de dollars australiens soit 75 millions de dollars US au site de Ranobe. Ce montant va permettre à la société de détenir 85% du projet d’extraction et d’exploitation des minerais. Le solde du projet sera acheté pour 17 millions de dollars, une fois le développement du site dans le sud de Madagascar.
En attendant les autres partenaires du projet, Baravalle d’AMED Funds, l’actionnaire majoritaire de WTH (World Titane Holding) et Boulle Titanium restent dans le capital à auteur de 15% pour accompagner la reprise totale par Base Ressources. La mise en œuvre de l’exploitation prévoit la création d’un port en eau profonde pour transporter les sables minéralisés. Selon les responsables, ce chantier, ainsi que celui de l’ensemble des infrastructures devrait être achevé en 2021.
Le projet de Tuléar ressemble à celui de Tolagnaro qui a été lancé il y a une dizaine d’années. Dans cette région de l’Anôsy l’arrivée de Rio Tinto QMM a bouleversé les équilibres traditionnels. Ainsi Fort-Dauphin a vu sa population décupler pour dépasser aujourd’hui 70.000 habitants.



A Tulear l’arrivée annoncée de Base Resources à Ranobe va sans doutes impacter l’environnement et les habitudes des populations locales. Les promoteurs s’emploient aujourd’hui à rassurer les habitants de la région en mettant en avant les bénéfices qu’ils pourront tirer de cette activité.
Craintes et réticences
Des réticences se manifestent au sein des communautés concernées de l’Atsimo Andrefana. Elles sont constituées en grande partie de populations fragiles regroupant des pêcheurs Vezo, des éleveurs Masikoro et des Mikea. Théo Rakotovao est chanteur originaire du sud. Il a pris la tête de la lutte contre le projet de Ranobe. « Quand j’ai appris l’arrivée d’exploitations minières, alors que les gens là-bas vivent de la forêt, de la nature, des ressources naturelles, de leur environnement et que j’ai vu que les responsables de la région ne disaient rien, les ONG de protection de la nature ne disaient rien, j’ai pris le micro et je me suis engagé dans la protection de l’environnement. J’ai fondé l’association MA.ZO.TO avec d’autres et j’ai pris la parole ».



Théo Rakotovao parle en effet. Il met en avant les risques pour l’environnement. Il rappelle que la route par laquelle le minerai sera évacué passera par la forêt Mikea. Exactement dit-il comme ce qui s’est passé pour le port d’Ehoala de la société QMM Rio Tinto à Fort-Dauphin. A l’origine, la zone où a été construit le port en eau profonde de Tolagnaro, était en dehors des sites d’extraction. Mais il a fallu construire des routes et donc exproprier des familles et confisquer les terres qu’elles cultivaient.



Tim Carstens, le PDG de Base Resources répond aux craintes exprimées par les opposants au projet. Pour lui « WTH a investi de manière significative dans la progression du projet. Tulear Sands a ainsi obtenu des permis et des licences clés. WTH a également réussi à établir d’excellentes relations avec le gouvernement de Madagascar et les communautés locales ».
Indignation de l’OSCIE
Les propos, volontairement consensuels, affichés par le PDG de Base Resources ne convainquent pas les Organisations de la société civile pour les industries extractives. L’OSCIE demande que le contrat entre la société Toliara Sands et l’État malgache soit révisé. Selon ses responsables il faut avant tout de protéger les intérêts de la population.
Pour Serge Zafimahova, son président «la question est simple. Comment va-t-on protéger les intérêts de la population malgache ? La société promet de construire des écoles et différentes infrastructures, mais est-ce que cela équivaut à la valeur de la richesse qu’elle nous prend ? Il faut jouer carte sur table ! Si on ne peut pas exploiter nos richesses, pourquoi ne pas les laisser enfouies sous-terre, au lieu de les vendre à des prix bradés ! ».
Dans son plaidoyer ad hominen, Serge Zafimahova revient sur les consultations publiques évoquées par le PDG de la société Australienne. Certes elles ont été lancées en octobre dernier reconnaît Serge Zafimahova «mais encore faut-il que le projet soit totalement transparent pour éviter ce qui s’est passé à Soamahamanina». Il cite cet exemple où selon lui les consultations publiques n’ont pas été conduites comme elles auraient dues l’être .
« Lors de la consultation publique à Soamahamanina, 75 personnes sont venues, dont 25 représentaient l’État malgache, 50 représentaient le Fokonolona, et seulement 6 représentaient Soamahamanina. Le problème est que 6 personnes ne peuvent pas témoigner de ce que pense un village de 1000 habitants ». Prudent l’OSCIE a mis en place une veille en désignant l’un de ses représentants pour surveiller les prochaines initiatives et opérations sur le terrain de Toliara Sands.
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Les différents usages de l’ilménite
L’ilménite permet d’obtenir des composants qui servent de piment blanc dans la composition de peintures, de papiers, ou de plastiques. On le retrouve dans les crèmes solaires et dans les prothèses de hanche et de genou.
L’ilménite extraite des sables noirs de Fort Dauphin représente 750 000 tonnes par an. Les estimations de la production du site de Ranobe sont plus modestes de l’ordre de 560 000 tonnes.