L’urbanisation, une priorité pour le développement de Madagascar

27/01/2018. Depuis une dizaine d’année, la moitié de la population mondiale soit plus de 3,3 milliards d’habitants vit en milieu urbain. D’ici 2030, ce chiffre devrait avoisiner les 5 milliards. Cela fait un quart de siècle que Madagascar est confronté à un taux de croissance urbaine de 4,5 % par an. Les estimations faites en 2014 indiquent que 34 % de la population vit maintenant en zone urbaine. Ce mouvement de fond touche bien sûr la capitale Antananarivo, mais également les autres principales villes de la Grande Île : Tamatave, Antsirabe, Majunga, Fianarantsoa, Tuléar et Antsiranana. Dans 20 ans, la moitié de la population de la Grande Île aura trouvé refuge en ville.

Le dynamisme urbain

Antananarivo, pas plus que les villes d’équilibre, n’échapperont pas à la dynamique urbaine qui va marquer les années à venir. La capitale, comme ses sœurs de province, va devoir prendre à bras le corps toutes les urgences pour aménager l’espace futur de la ville et répondre autant que faire ce peut aux besoins de ses futurs habitants.

Conquérir de nouveaux territoires à intégrer dans un projet global repoussant les frontières de l’ancienne cité, assurer l’alimentation en eau, en électricité, trouver les solution pour l’assainissement, lutter plus efficacement contre les inondations et l’insécurité, éviter l’asphyxie de la circulation, considérer les conséquences de la pollution surtout sur la santé, et ne pas oublier les populations fragiles.

Antananarivo 2050
Antananarivo 2050

La tâche va être à la hauteur des attentes de ceux qui auront choisi ou qui devront vivre dans la capitale ou dans les grands centres en région.

Madagascar n’échappera pas à l’injonction de son avenir. Toutes les grandes villes du pays, à commencer par la capitale vont devenir, pour beaucoup, l’alternative à une vie sans espoir à la campagne. Ces nouveaux migrants vont conquérir les nouveaux espaces que les agglomérations voudront bien leur concéder. Les recevoir et les intégrer seront le seul chemin.

Il s’agit là d’un des défis que vont devoir relever les responsables politiques et leurs équipes. Il leur faudra éviter les conséquences de l’anarchie urbaine auxquelles sont confrontées la plupart des grandes villes africaines. Il ne reste plus de temps pour agir.

Hélas le temps passé ne se rattrape plus. Pour autant, certains veulent y croire et misent sur le modèle citadin malgache avec les fokontany et les liens de solidarité disparus depuis longtemps sur le continent voisin. D’autres mettent en avant aussi à l’originalité de l’aménagement du paysage urbain, surtout dans la capitale.

Antananarivo, en dépit des contempteurs de l’urbanisation du siècle dernier, a su résister à l’uniformisation de la ville à l’échelle planétaire. La Cité des Mille qui se fondra après demain dans le projet du Grand Tana est parvenue à maintenir le fragile équilibre entre la ville collinaire et celle née des plaines rizicoles. Ce rapport binaire qui a fondé Analamanga pourrait préparer la ville de demain.

Les grands chantiers d’Antananarivo

En 10 ans, les projets d’aménagements urbains dans la capitale ont été limités. La crise a une fois encore vitrifié les projets. Ce qui devait conduire la Cité des Mille au grand Tana est resté dans les cartons.

Voir également : L’énigme et le paradoxe, l’analyse des crises socio-politiques à Madagascar

Le sommet de la francophonie a permis de petites avancées avec l’ouverture d’une nouvelle pénétrante en direction de l’aéroport. Il y a 10 ans les avants projets de développement du Grand Tana envisageaient la construction d’une autoroute vers Ivato, une rocade Nord/Sud de 13km entourant les 29 communes de l’agglomération.

La CUA (Commune Urbaine d’Antananarivo) à l’époque envisageait une ceinture ferroviaires de 6,5 km à la périphérie immédiate de Tana. Du côté des infrastructures, on prévoyait la construction de trois stades, cinq équipement sportifs supplémentaires, cinq gares routières, sept gares ferroviaires, sept casernes de pompiers et neuf terminaux de taxi-be et de taxi-brousse. Depuis rien ou presque. Les plans d’aménagement réapparaissent de temps en temps dans les journaux avant de retourner dans les stocks d’archive.

La thrombose du trafic routier

Quelques trafics routiers dans la ville d'Antananarivo
Trafic routier dans la ville d’Antananarivo

Ces grands projets oubliés, la circulation a continué à se dégrader. La voirie dans la capitale est concentrique. Pour aller d’un point à un autre, on est obligé de passer par le centre ville. Or l’accès est limité par des axes étroits de 7 mètres de large. La marche figure à près de 70 % au premier rang des moyens de déplacement. Viennent ensuite les transports en commun, entre autre les bus, les taxi-be. Les véhicules à deux roue occupent la troisième place et sont en augmentation constante. Enfin les véhicules particuliers sont utilisés par près de 10 % des habitants de la capitale.

Les bus constituent la moitié du trafic de Tana. La population de la ville augmente de plus de 4% par an. En 2025 Antananarivo aura dépassé les 3,5 millions d’habitants. Le trafic journalier interne va continuer à exploser. Celui vers la périphérie aura triplé entre 2010 et 2020. La pollution s’est envolée avec les gaz d’échappement. La quantité de gaz carbonique a dépassé depuis longtemps les 400 000 tonnes par an. Le monoxyde de carbone présent dans l’air dépasse les 20 000 tonnes par an. La teneur en dioxyde de souffre et de plomb dans l’air ne cesse d’augmenter.

Les ordures en héritage

Les prévisions tablaient, avant la crise, sur une production d’ordures de 2 200 tonnes par jour à Tana, dont 1 340 tonnes de déchets organiques. On estime que chaque habitant produit en moyenne un demi kilo d’ordure par 24 heures.

La capitale dispose de 500 bacs à ordures et d’une décharge à Andralanitra de 13 ha. Elle est saturée depuis des années mais personne ne veut prendre la décision de la fermer et d’en ouvrir une autre. Le projet Grand Tana prévoyait de créer trois sites à Ambatofotsy, à Ampitatafika et à Ilafy.

L’assainissement et les inondations

Inondations, un porblème courant à Madagascar, surtout durant la saison cyclonique
Inondations, un porblème courant à Madagascar, surtout durant la saison cyclonique

Les années se suivent et se ressemblent. Les inondations sont un problème courant surtout durant la période cyclonique dans le pays.

C’est un problème auquel il faut remédier. L’AFD (Agence Française de Développement), comme elle l’avait fait en 1999, va financer un plan de remise en état des stations de pompage pour évacuer les polder de la ville.

Reste que la solution ne pourra passer qu’au prix de travaux gigantesques (peu probables) de remise en état du réseau d’assainissement et de son extension.

Mettre en œuvre une politique pour les villes de la Grande Île

A l’image de la capitale, les principales villes de Madagascar souffrent d’un déficit d’urbanisation pensée et organisée. De l’anarchie du développement d’une ville sans statut comme Ilakaka à la déforestation que génère l’extension de Tuléar, les préoccupations de l’urbanisation ne se liment pas à la seule capitale.

Comment Fort-Dauphin réussit-elle à s’adapter au géant QMM ? Comment Morondava va-t-elle pouvoir résister aux assauts de la mer. Comment Tamatave va-t-elle sortir de l’état d’isolement qui a été le sien pendant des années ? Comment Majunga parviendra-t-elle à maintenir son cap et Fianarantsoa à sortir de l’ombre tutélaire d’Antananarivo ?

Ce sont quelques unes des questions auxquelles le Ministère auprès de la Présidence en charge des Projets Présidentiels, de l’Aménagement du Territoire et de l’Equipement va tenter de répondre à travers la mise en œuvre du Programme d’Appui et de Développement des Villes d’Équilibre (PADEVE). Le comité de pilotage du programme s’est déroulé il y a quelques jours.

Le PADEVE est doté d’un montant de 27 millions d’euros. Il concerne les villes d’équilibre, comme Tamatave, Antsiranana, Antsirabe, Fianarantsoa, Tuléar et Majunga. Le PADEVE devrait améliorer le « cadre et les conditions de vie de la population des villes concernées, construire des infrastructures et équipements, soutenir le développement économique de ces villes et renforcer la capacité technique et financière des Communes« .

L’exemple d’Antsirabe

Les pays du continent doivent faire face à une démographie bondissante avec 40 % de jeunes. La population africaine devrait compter entre 1,5 et 1,7 milliard d’habitants en 2030, soit au minimum 500 millions de plus qu’aujourd’hui.

Ville d'Antsirabe, Madagascar
Ville d’Antsirabe, Madagascar

A ce stade, l’urgence est de penser et d’organiser les conséquences de cette démographie galopante. L’AFD a réalisé une étude dans la région du Vakinankaratra où la population en 1993 était de 1,142  million de personnes et représentait 9,35 % de la population totale du pays. En 2013, selon les estimations, elle ne représentait plus que 8,3 % de la population malgache. Cette diminution est imputable à la croissance plus rapide de la capitale Antananarivo. La croissance démographique dans le Vakinankaratra, comme au niveau national, est restée très soutenue.

En 2035, la population agricole compterait dans cette région plus de 2 millions de personnes, soit plus de 400 000 exploitations agricoles. L’augmentation de la population agricole se situerait alors entre 46 et 66 %. Pour absorber la croissance démographique sans réduire la superficie moyenne des exploitations agricoles, la superficie cultivée devrait passer de 221 000 à 322 000 ha ou 367 000 ha.

Dans le domaine scolaire, toujours dans la perspective 2030, il faudrait que la région accueille plus de 300 000 élèves supplémentaires par rapport à la situation de 2013 (soit près de 20 000 élèves par an), que 13 500 nouveaux enseignants soient affectés (soit 900 par an) et que près de 2 000 écoles supplémentaires soient disponibles (soit 130 par an).

Sur le plan sanitaire en appliquant le ratio d’une structure hospitalière pour 15 000 habitants, il faudrait toutefois disposer de cinq hôpitaux supplémentaires par rapport à ces prévisions. Au total, pour s’approcher des normes de l’OMS en matière de santé, il s’agirait de créer d’ici 2030 plus de 100 centres de santé de base, cinq hôpitaux et de disposer de plus de 1 170 personnels de santé additionnels.

La perception sombre de l’avenir par les habitants

Nous sommes en 2018. Ces prévisions sont pour demain. Il ne reste désormais plus qu’une douzaine d’années. Au cours de son enquête, l’AFD a recueilli les préoccupations exprimées par les habitants qu’elle a rencontrés. Beaucoup s’inquiètent des conséquences de l’exode rural synonyme de pauvreté et d’inégalités.

Parmi les craintes figurent aussi la peur du délitement familiale, le poids de plus en plus grand des églises et la perte d’autorité des structures traditionnelles.

Enfin, les habitants ont évoqué leur perception de la sécurité. L’insécurité revient le plus souvent dans les propos rapportés dans cette enquête. Elle est très présente dans les discours comme l’absence totale d’espoirs et de confiance envers les politiques publiques est patente, l’absence d’autorité publique et de probité des dirigeants a des conséquences en cascade sur le lien social, la sécurité, l’environnement naturel qui se dégrade de plus en plus à cause des feux de brousse et les perspectives économiques et sociales.

> À découvrir aussi, le parcours du combattant pour aller au travail à Antananarivo




Le MGforum de Stileex

2 Commentaires

  1. Merci pour l’article. Intéressé par l’urbanisation à Mada, ça fait plaisir de pouvoir mieux comprendre les défis qu’elle pose au gouvernement et aux Malgaches.

  2. L’objectif 2050 tout à fait possible s’il y a un bon travail derrière.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here