J’ai démarré ma seconde start-up en 2012 (la première entreprise que j’ai créée il y a 13 ans, avait fermé après environ 2 ans d’activité – vous pouvez voir mon parcours ici). Après 7 ans de dur labeur, aujourd’hui je gère une soixantaine d’employés sur 2 pays et nous avons cumulé près de 3000 clients dans 42 pays différents. On peut raisonnablement dire que nous sommes désormais une PME. Quand sommes-nous passés de start-up à PME ? Je ne saurais le dire avec précision. Par contre une chose est claire: je ne peux plus gérer les ressources humaines de la même manière. Les KPI et autres rapports peuvent faire peur aux employés de la première heure, mais il semble bien qu’ils soient indispensables… Voici pourquoi.
La gestion RH d’une start-up
Il est bien évident qu’il y a autant de styles de management qu’il y a d’entrepreneurs, mais la situation et l’environnement si particuliers à une start-up en font que certaines caractéristiques RH se retrouvent fréquemment :
- Forte proximité humaine avec l’équipe
- Discussions fréquentes et écoute facilitée
- Grande réactivité et prises de décisions rapides
- Peu de collaborateurs dont certains sont vitaux à la start-up
On a souvent cette image d’Épinal de la start-up composée d’une poignée de jeunes en baskets, jeans et t-shirts, s’affairant dans un garage à créer le produit de demain. C’est probablement la recette qu’il faut pour être créatif et avoir assez de témérité pour pénétrer un marché (ou pour certains en créer un nouveau…).
C’est aussi une organisation assez souple, flexible et réactive pour pouvoir opérer des « pivots », c’est-à-dire des virages parfois à 180° dans la stratégie et les objectifs. Combien de fois ai-je moi-même fait pivoter notre start-up. C’était ça ou la mort de l’entreprise.
Pour gérer une start-up, il faut avant tout être un leader, pour que les autres croient en votre vision et vous suivent. La gestion RH peut même se limiter à la seule influence charismatique du chef d’entreprise. Il est facile de savoir ce que font les uns et les autres, et encore plus de détecter les « maillons faibles ».
On n’est pas à une étape où on pense vraiment à la productivité, bien qu’elle soit bien sûr indispensable, ni aux optimisations des procédures, ces dernières n’existant peut-être pas encore. Donc les rapports et autres statistiques d’exploitation sont souvent négligés. De toute manière il n’y a pas assez de temps, le lancement d’une entreprise est si chronophage et énergivore.
Les difficultés de gestion RH apparaissant à l’étape PME
Peu de sociétés passent l’étape de la start-up. Et celles qui y arrivent voient se profiler à l’horizon une nouvelle épreuve: l’évolution obligatoire de la gestion des ressources humaines.
Il ne s’agit plus de gérer une poignée de collaborateurs plus ou moins amis, mais de plusieurs dizaines, voire centaines d’employés. En tant que gérant, il vous arrivera de découvrir de nouvelles têtes en arrivant au bureau, ou de ne plus vous souvenir de tous les noms… Et si en plus vos collaborateurs sont situés sur plusieurs sites géographiques…
De plus, l’importance de la productivité est maintenant prédominante. Le rythme de croisière est entamée, il faut rentabiliser les dépenses et les investissements. Il faut aussi asseoir la présence de l’entreprise dans le marché et répondre à la demande. Il faut engranger des bénéfices pour réinvestir dans les futurs produits et services qui viendront remplacer le catalogue actuel. Bref, il faut produire et optimiser.
Mais vu la nouvelle taille de la société, comment savoir si les employés sont suffisamment productifs ? Comment découvrir si vous avez un « mouton noir » dans votre équipe ? En tout cas pas en appliquant le style de management RH de l’étape start-up… En effet, les paramètres ont changé :
- Le gérant a pris de la distance avec certains employés dû à la nouvelle taille de l’entreprise
- Les discussions fréquentes ne sont plus possibles avec tous les collaborateurs
- De même l’écoute est rendue plus difficile
- Il n’est plus possible de prendre des décisions aussi rapides qu’avant car une hiérarchie s’est mise en place et les procédures ne peuvent pas (et ne doivent pas) être changées du jour au lendemain
Ce qu’il se passe si vous gérez la RH d’une PME comme celle d’une start-up
J’en ai moi-même fait les frais. Comme il n’y a pas un signal vous indiquant clairement que l’étape start-up est terminée, je continuais à gérer mes équipes comme au lancement de l’entreprise alors que nous sommes devenus une PME.
Des problèmes ont commencé à apparaître. Déjà certains responsables ou directeurs, qui étaient pourtant fiables à l’étape start-up, ont commencé à se laisser aller. En effet, pour savoir si leur travail et celui de leur équipe étaient efficaces, je me fiais à leurs dires et à mon ressenti. Sauf qu’il devient facile pour eux de se reposer sur leur équipe, et de devenir « passifs », de volontairement diminuer les objectifs pour facilement les atteindre, bref de ne plus agir pour le bien de l’entreprise. Certains même se sont permis d’avoir des activités extra-professionnelles pendant leurs heures de travail…
Mais comme je n’avais pas de point de repère objectif et que je leur faisais confiance, je me suis fait avoir. D’autant plus que je gère des équipes dans 2 sites géographiques distants.
J’ai aussi remarqué que dans ces conditions, les subordonnés de mes responsables ne rendaient pas toujours du bon travail, dépassaient régulièrement leur deadline, manquaient d’implication et bien sûr au final n’étaient pas suffisamment productifs. Et vous savez ce qui est le plus surprenant dans tout ça… C’est que ce ne sont pas ces subordonnés qui délibérément avaient un mauvais comportement, mais que ce sont les lacunes de leur responsable qui les menaient dans cette voie. Il est rare qu’un subordonné veuille volontairement faire du mauvais travail.
Au bout d’un moment, je ne savais plus si mon entreprise avait une productivité normale. Je savais juste qu’on produisait, qu’on faisait du chiffre, qu’il y avait des problèmes certes, mais peut-être pas plus qu’ailleurs. Je gérais mon entreprise à « la louche » en faisant confiance aux dires des responsables, alors que certains cachaient leur propre incompétence derrière les subordonnés.
Le problème pour ces responsables c’est que lorsqu’on a passé l’étape de la start-up, leur irremplaçabilité s’amoindrit et cela même à cause de leur propre comportement. Ils se sont rendus dispensables.
Les rapports et les KPI pour la gestion RH d’une PME
Alors attention, je ne dis pas qu’il faut jeter à la poubelle le savoir-faire en management que vous avez acquis pendant la phase start-up, notamment :
- Le style du manager minute que j’apprécie particulièrement
- Féliciter un collaborateur lorsqu’il a eu un bon résultat, et le réprimander lorsqu’il a eu un mauvais comportement
- Faire participer les employés dans la vie de l’entreprise
- Même si c’est plus difficile, toujours être à l’écoute de ses équipes
- Ne jamais court-circuiter l’autorité d’un responsable
- Expliquer en quoi l’action de chaque collaborateur participe à la réussite globale de l’entreprise
- Toujours être transparent et honnête
- Toujours payer ses employés en temps et en heure
- Et bien d’autres points encore qui mériteraient que j’écrive un article rien que pour ça…
Mais il y a une méthodologie, qui a été négligée pendant la phase start-up, qui doit prendre désormais une place prédominante dans le temps du gérant : le suivi des rapports et des KPI.
En d’autres termes :
Il faut gérer ses équipes par les faits et les chiffres
Un responsable peu scrupuleux vous mentira. Les faits et les chiffres non.
Je suis tout à fait conscient qu’il n’y a rien de sexy à suivre une série de chiffres dans un tableau. Mais cela fait partie à part entière du travail d’un gérant d’une PME. Sinon il navigue à vue, comme un commandant d’un avion de ligne ou d’un navire cargo dirigerait sans ses instruments de mesure et ses rapports météorologiques.
Toute la subtilité dans la gestion par les faits et les chiffres réside dans le choix des indicateurs clés de performance à suivre, et à ce sujet je vous invite à consulter notre liste d’exemples de KPI. Les indicateurs de performance sont différents d’une entreprise à l’autre, même entre deux concurrents car leur choix découle de la stratégie de l’entreprise.
Petite astuce : si vous avez un responsable qui rechigne à rendre ses rapports quantitatifs, en prétextant toutes sortes de motifs plus ou moins valables, alors posez vous des questions à son sujet…
Bien sûr on ne suit pas des KPI si vous n’avez pas informatisé votre entreprise… Et pour cela vous avez deux grandes options :
- Vous utilisez un logiciel de gestion d’entreprise qui vous délivrera des données de business intelligence, comme par exemple un ERP
- Vous utilisez des tableaux de type Excel, ou mieux des tableurs en ligne
Il ne vous reste plus qu’à fixer vos objectifs, à analyser les écarts pour prévenir les problèmes de productivité et à surveiller les données incohérentes pour détecter vos mauvais employés… Vous disposez de nouvelles armes pour vous transformer en grand compte et pour gérer des milliers d’employés dans plusieurs pays.