27/09/2018. Quand j’étais tout petit, on m’a souvent pété et répété (bad joke inside) qu’il fallait à tout prix lire, toujours lire et lire tout ce qu’on trouve. A l’époque, un siècle où tout le monde savait encore chercher un mot dans le dictionnaire (non, pas CTRL + F), les livres avaient une toute autre aura. On y apprenait des choses que l’on ne pouvait trouver ailleurs et c’était toute une émotion que d’en découvrir un qui nous plaisait bien. Rien que le bruit, le toucher et l’odeur des pages qu’on feuillette font fébrilement naître par anticipation milles questions dans la tête.
Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, on dit volontiers que Google est ton ami et les e-books mettent les libraires en faillite. Drôle de monde. Reste la question de Madagascar : pensez-vous que l’on aime toujours lire dans la Grande Île ? A t-on aussi adopté le tout numérique au point de menacer l’existence des boky tonta d’Ambohijatovo ? La revue s’est penchée sur ces questions et a interrogée 1 058 Malgaches dans la rue sur leurs habitudes de lecture. Ce qui suit est la restitution de ce sondage.
Sommaire
- Les Malgaches et la lecture, arrêt sur image
- Yes, we (still) read !
- Que lit-on dans la Grande Île ?
- D’occasion et en français
- Les genres littéraires préférés selon la langue du livre
- Conclusion du sondage sur les Malgaches et la lecture
- L’association Loharano Soa, les bouquinistes du boky tonta d’Ambohijatovo
Les Malgaches et la lecture, arrêt sur image

Yes, we (still) read !
64%, c’est la portion de sondés qui disent aimer lire des livres, une proportion dans laquelle on trouve autant d’hommes que de femmes.
Après, c’est bien d’aimer lire direz-vous, mais encore faut-il avoir le temps de le faire. Qu’à cela ne tienne, interrogés sur ce point, les amoureux des livres jugent en majorité (62%) qu’ils ont bien assez de temps à eux pour s’adonner tant qu’ils veulent à la lecture. C’est ainsi que sur les 12 derniers mois, ils sont 24% à avoir terminé 1 livre et surtout 21% à en avoir fini plus de 6.
Par contre, ils sont 18% à n’en avoir terminé aucun, 16% à en avoir fini 2 et 8% à en avoir lu 3.
Que lit-on dans la Grande Île ?
Nous sommes donc 3 Malgaches sur 5 à aimer la compagnie des livres, mais que lisons nous exactement ? Eh bien, il semble que le Malgache soit féru de livres de développement personnel : 61% des personnes interrogées sont ainsi attirées par ce type d’écrit. A la seconde place, on retrouve les livres et les romans d’amour que 24% des interviewés disent préférer.



8% disent aussi aimer les bouquins d’aventures et 6% les bandes dessinées. Enfin, ils sont 5% à lire des livres policiers, également 5% à bouquiner des biographies, et 4% à plutôt pencher vers la science-fiction.
A noter que les interviewés ont été 11% à lire d’autres types de livres cités en marge des propositions du questionnaire, dont surtout des ouvrages religieux (surtout la Bible).
D’occasion et en français
Questionnés sur leurs fournisseurs de livres habituels, les amoureux de la lecture avouent surtout s’approvisionner chez les bouquinistes et donc de lire avant tout des livres d’occasion (47%).
À hauteur de 34%, ils disent ensuite prendre leurs livres à la bibliothèque tandis que 20% vont dans les librairies où ils achètent des livres neufs. Quant aux partisans des emprunts, entre amis, proches ou connaissances, ils comptent pour 18%. Enfin, e-books, PDF et autres ouvrages numériques téléchargés sur Internet n’attirent encore que 6% des lecteurs malgaches.



Quant à savoir en quelles langues sont les livres que les Malgaches dévorent, c’est sans surprise qu’en tout, 66% des interviewés répondent le français. Vient ensuite le malgache, langue dans laquelle 55% des lecteurs lisent des bouquins. A la troisième place finalement, on retrouve la langue de Shakespeare, l’anglais, langue dans laquelle sont écrits les ouvrages que lisent 8% des amateurs de livres.
Les genres littéraires préférés selon la langue du livre
En s’amusant à regarder les détails des genres de livres les plus lus par les Malgaches en fonction de leurs langues, on se rend compte d’une disparité amusante : au-delà de l’écrasante popularité des ouvrages de développement personnel, les lectures sont vraiment différentes.
Le top 5 des genres littéraires préférés en français :
- les livres de développement personnel (61%)
- les romans d’amour (31%)
- les livres d’aventures (10%)
- les bandes dessinées (8%)
- les romans policier (7%)
Le top 5 des genres littéraires préférés en malgache :
- les livres de développement personnel (67%)
- « Autres » livres, surtout des ouvrages religieux (17%)
- les romans d’amour (17%)
- les livres d’aventures (6%)
- les bandes dessinées (4%)
Et le top 5 des genres littéraires préférés en anglais :
- les livres de développement personnel (71%)
- les romans d’amour (29%)
- les romans policier (15%)
- les bandes dessinées (13%)
- les livres de science-fiction (11%)



Terminons sur une note d’espoir : dans les 36% de sondés qui admettent ne pas aimer lire, ils sont tout de même 90% à penser que le savoir est dans les livres. Peut-être une motivation pour ouvrir un bouquin ?
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Conclusion du sondage sur les Malgaches et la lecture
Un peu plus de 3 Malgaches sur 5 aiment donc lire des livres, un score qui n’est pas si mal pour un pays dont le taux d’alphabétisation est de 71,57% chez les 15 ans et plus selon l’UNESCO (2012), 64,5% selon l’Unicef (2012). En tout et pour tout, officiellement, il est communément admis que 30% des adultes sont analphabètes…



Le développement personnel, c’est étonnamment le genre le plus lu par les Malgaches. Et on ne parle pas ici que de Père riche, père pauvre ou de Comment se faire des amis, non, les auteurs malgaches trouvent aussi leur public parmi les lecteurs qui d’ailleurs ne boudent pas leur plaisir : peu importe la langue dans laquelle ils lisent, le développement personnel sera toujours le genre le plus lu.
Quant à savoir quelle langue est la plus lue, c’est sans surprise que le français, seconde langue officielle du pays, s’impose avec 66% des lecteurs qui lisent des livres dans cette langue. Viennent ensuite le malgache (55%) et l’anglais qui est tout de même très loin derrière (8%).
Mais le fait le plus intéressant ressortant de ce sondage est que seuls 20% des sondés achètent leurs livres neufs dans les librairies et que ce sont surtout les bouquins d’occasion qui sont lus dans la Grande Île (47%). Et ce ne sont même pas des prêts ou des ouvrages pris à la bibliothèque, on parle bien de livres et de romans de seconde main (au mieux :)) qui retrouvent une deuxième, une troisième, une nième vie à rendre de nouveaux lecteurs heureux.
L’association Loharano Soa, les bouquinistes du boky tonta d’Ambohijatovo
Difficile de parler de livres d’occasion sans parler de l’archi connu marché aux livres d’Ambohijatovo. Royaume de la BD, des Harlequins et des manuels en tout genre, ce petit paradis des bibliolâtres (si, si, ça existe) a vu le jour en 1997. Enfin, dans sa forme actuelle puisque les bouquinistes qui le composent exerçaient déjà à l’époque du Zoma.



Aux débuts du boky tonta
En ce temps, ils occupaient des édicules en fer à l’image des kiosques à journaux parisiens, et se trouvaient encore à Analakely, au niveau de l’actuel vary mitsangana « Zaimaika ». Ils y coulaient des jours paisibles jusqu’au jour où Guy Willy Razanamasy, maire de la ville à l’époque, initia l’assainissement du Zoma. La décision signifia la fin du célèbre marché où nombre de Malgaches avaient comme habitude de faire leurs courses, et la relocalisation des marchands de livres.
Transférés bon gré mal gré place Roland Garros, Ambohijatovo, ils s’y plurent finalement, appréciant le calme des lieux qui leur convenait parfaitement. Ils furent bien les seuls puisque les lunetiers et autres vendeurs de parfum déplacés en même temps qu’eux disparurent un à un de la place. Littéralement. Pour les bouquinistes par contre, commençait une période faste qui devait durer une dizaine d’années.



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La grande dépression
Avec les années 2000 vint la démocratisation de l’informatique et d’Internet dans la Grande Île. Il devint de plus en plus facile de s’informer, de se former et d’apprendre. Les méthodes de reprographies modernes aidant aussi, les gens commencèrent à déserter Ambohijatovo avec une fréquentation qui ne fit que baisser au fil des ans.
Preuve et conséquence de cette tendance : des quelques 200 stands que comptait l’association ne restent plus aujourd’hui qu’une cent cinquantaine, et encore. Beaucoup n’arrivent à survivre qu’en exerçant une activité annexe à coté de leur stand de bouquins : sérigraphie, salon de coiffure, multiservices et même menuiserie, il a fallu s’adapter. « Si auparavant, les ventes allaient cahin caha tout au long de l’année, seul subsiste maintenant le pic de ventes de la rentrée » me confie M. Richard Razafinitsimialona, président de l’association des bouquinistes Loharano Soa d’Ambohijatovo. Et de continuer, « Passer ça, c’est le calme plat. »
Interrogé sur ce qu’il pense être l’avenir des boky tonta d’ici une trentaine d’années, M. Razafinitsimialona est inquiet : « Peu de gens liront encore » lance t-il. Un constat alarmiste de la part d’un amoureux des livres qui voudrait bien pérenniser l’activité qui l’a longtemps fait vivre, lui et ses pairs.
L’envers du décor
Parce que oui, il ne faut pas oublier que le terrain comme les stands appartiennent à la commune. Les bouquinistes ont donc, entre autres à leur frais, un ticket quotidien de 500 ar/jour et une patente de 50 à 60 000 ar/mois à verser à l’État. Des coûts qui pèsent de plus en plus sur les vendeurs de vieux livres, d’autant plus que si ceux en périphérie de la place arrivent à plus ou moins à s’en sortir, il n’est pas rare que ceux coincés à l’intérieur doivent parfois composer avec un livre vendu par… mois ! De quoi laisser songeur sur leur gestion de stock.



À cela s’ajoute la peur des incendies (il y a 4 ou 5 ans, un incendie déclaré dans un hôtel proche a rasé une quinzaine de stands) et celle, plus viscérale, de voir un métier disparaître. « Mon vœu serait que les politiques respectent enfin leurs paroles et nous fassent des stands en dur comme ils nous l’ont toujours promis » lance M. Razafinitsimialona, les yeux dans le vide. « J’aimerais que cette activité soit de nouveau pérenne et évolue. »
Personnellement, j’ai passé beaucoup de temps à arpenter les allées basses et étroites du boky tonta à la recherche d’un Roger Zelazny ou d’un Jack Vance. C’est fou comme le temps s’envole quand on est en compagnie des livres, même si ce n’est pas pour tout acheter (parce que oui, avec mon pauvre argent de poche de lycéen… :D). Moi c’est décidé : j’y retournerais plus souvent, ne serait ce que pour soutenir ce patrimoine (à mon sens) et laisser la chance aux générations futures de voir comment c’était avant :’).
Note de la rédaction : Vous avez une question sur Madagascar qui vous turlupine ? Un sujet qui vous démange ? N’hésitez pas à le poster dans les commentaires, nous l’inclurons sûrement dans nos prochains sondages !
Vous pouvez également voir le portrait du dit Ankoay, celui qui distribue des livres gratuitement à Madagascar.
Retrouvez également ici tous les sondages et études statistiques menés par l’équipe Stileex à ce jour.
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Les malgaches aiment lire, je suis d’accord! Mais, le problème relève de l’impossibilité pour la plupart de s’en procurer ou par extension d’en acheter. Pourquoi dépenser de l’argent pour un livre si on n’a même pas de l’argent pour se nourrir?
Logiquement, tout se limite aux lectures en classe! Ce qui déçoit quand les enseignants ne présentent que des cours magistraux!
Merci pour ce sondage intéressant. J’étais un peu surpris par le résultat et j’ai quelques remarques à faire:
– Aimer les livres (ou être intéressé par la lecture) c’est une chose; consacrer du temps à lire des livres en est une autre. Selon le sondage, il n’y a que 57% de ceux qui « aiment lire » – càd 57% des 64% – qui arrivent à finir 2 livres en 12 mois!
– Je voudrais savoir les zones d’origine des personnes enquêtées: urbaine ou rurale, en haute terre ou en province. Dans le cadre de notre travail, nous produisons des manuels pour des volontaires, et je suis intéressé à savoir l’intérêt des ruraux à la lecture. Merci
Hello. Les personnes interrogées l’ont été dans des zones urbaines.
65% ny malagasy mahay mamaky teny ve zany fa raha 65% de la population malgache ,c’est faux . Je ne sait plus le pourcentage d’analphabete a Madagascar mais il y a beaucoup a faire en matiere d’education et je n’en parle pas en matiere de lecture
Nous avons donné le taux d’alphabétisation de Madagascar dans l’article, y en a deux : le chiffre de l’UNESCO et celui de l’Unicef. Nous avons également indiqué que, globalement, il est admis que 30% des adultes malgaches sont analphabètes.
Maintenant, les 65% dont on parle ici ne concerne évidemment que ceux qui savent lire. En gros, cette donnée indique que 65% des Malgaches qui savent lire aiment lire des livres :)
Comme ça les Malgaches aiment lire? Je n’y crois pas. Lorsque j’étais encore à l’école (je suis passée par 3 établissements différents, puis la fac), je passais pour une extraterrestre parce que j’avais toujours le nez dans un bouquin. Dans tout mon entourage, qui est composé majoritairement de personnes ayant un certain niveau académique, je peux difficilement recenser plus de 10 férus de lecture.
Je crois que beaucoup aiment l’idée de lire. Mais lorsqu’il faut réellement ouvrir un livre, c’est une autre histoire.
Merci pour ce sondage. Toutefois, avez-vous sondé les enfants ? Les enfants aiment lire mais la difficulté, c’est de mettre le livre entre leurs mains, beaucoup de parents ne pouvant en acheter. Et les enfants lisent en malgache pour la majorité.
Malheureusement, non. Nous ne nous sommes intéressés qu’aux personnes de 18 ans et plus.
Pouvez-vous nous en dire plus ? Lisent-ils à l’école ou plus durant leur temps de loisirs ? Ils lisent en malgache, mais sont-ils scolarisés dans des écoles d’expression française ?
Je parle des enfants scolarisés dans les écoles publiques et quelques écoles privées ainsi que les enfants et les jeunes des rues déscolarisés.
Je suis agréablement surprise du résultat de ce sondage, que nombres de malgaches aiment encore lire. Je me souviens de mes années de lycée, il y a 10 ans, où presque tout mon argent de poche passait dans les livres d’Ambohijatovo. Epoque bienheureuse!
Je plussoie :) En même temps, être limité par son argent de poche avait quelque chose de grisant : on avait hâte de revenir !