Consommation : où les Malgaches font-ils leurs courses en 2018 ?

Cet article fait partie de la rubrique spéciale des Sondages à Madagascar 

20/09/2018. Il est loin le temps du Zoma. En une trentaine d’années, le libre-service a réussi à durablement s’installer dans la Grande Île malgré la valse des enseignes (qui se souvient de SuperSice, Prisunic, Magasin M et Champion ?!). La question reste malgré tout de savoir si cet ancrage reflète un chamboulement des habitudes de consommation des Malgaches, peuple habitué depuis des siècles à aller au bazar.

Pour notre sondage de la semaine, nous nous sommes penchés sur les habitudes de courses des Malgaches : A t-on vraiment adopté le mode de vie consumériste des Occidentaux ? Comment les Malgaches font-ils leurs courses en 2018 ? La réponse dans les lignes qui suivent.

Un instantané des habitudes de courses des Malgaches

Les habitudes de courses des Malgaches en un coup d'œil
Les habitudes de courses des Malgaches en un coup d’œil

Les marchés traditionnels indétrônables

Aller au marché reste incontournable pour le Malgache, et étals et éventaires attirent encore 87% des personnes quand elles font leurs courses. En complément, les épiceries de quartier sont fréquentées à hauteur de 20%, suivies de la grande distribution avec Shoprite en tête (5%), Jumbo Score (4%), Leader Price (2%) et SuperMaki (1%).

D’une manière générale, faire son marché, c’est tous les jours pour le Malgache ! C’est du moins ce que 66% des personnes que nous avons interrogées ont répondu. Viennent ensuite ceux qui y vont une fois par semaine (22%), puis celles qui y vont plusieurs fois par semaine (9%). Les personnes qui ne font leur marché qu’une fois par mois sont, quant à elles, une minorité et ne représentent que 2% des interviewés.

Une marchande de légumes dans un marché malgache
Une marchande de légumes dans un marché malgache

Par contre, en s’intéressant au comportement de ceux qui vont dans les GMS (Grandes et moyennes surfaces), on s’aperçoit que ce sont ceux qui font leurs courses une fois par semaine qui y sont plus nombreux (40%). Viennent seulement après, ex-æquo, ceux qui le font tous les jours et ceux qui y vont plusieurs fois dans la semaine (25%). Fermant la marche enfin, il y a les personnes qui n’y vont qu’une fois par mois (9%).

Le panier moyen quand les Malgaches font leurs courses

On s’y attendait un peu : la majorité des Malgaches, 89%, dépensent moins de 50 000 ariary par session de courses. Normal, dirons nous, vu qu’ils sont nombreux à faire leurs courses tous les jours.

Ils sont ensuite 7% à dépenser entre 50 001 et 100 000 ariary, 2% entre 150 001 et 200 000 ariary et 1% entre 100 001 et 150 00 ariary.

Cette tendance générale, on la remarque également lorsque vient le moment de se pencher sur les habitudes en GMS : arrivés à la caisse, 63% y dépensent moins de 50 000 ariary, 22% entre 50 001 et 100 000 ariary et 9% entre 150 001 et 200 000 ariary.

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Les prix de la discorde

Interrogés sur leur perception de la disponibilité, de la qualité et de la variété des produits qu’ils achètent, la majorité des sondés se sont toujours montrés très satisfaits comme le montrent les graphiques suivants.

La satisfaction des Malgaches par rapport à la disponibilité, la qualité et la variété des produits dispos à la vente
La satisfaction des Malgaches par rapport à la disponibilité, la qualité et la variété des produits dispos à la vente

Tout aurait pu être parfait dans un monde idyllique si on ne les avait pas également interrogé sur leur ressenti par rapport au prix des articles qu’ils trouvent en faisant leurs courses. Là, c’est le drame : 28% trouvent les prix pratiqués comme moyennement satisfaisants, 26% peu satisfaisants, 23% très insatisfaisants et seuls un peu plus du cinquième, 21%, jugent les prix très satisfaisants.

La perception du prix des denrées par les Malgaches est mauvaise
La perception du prix des denrées par les Malgaches est mauvaise

Fait curieux, les ressentis empirent tout en restant mitigés lorsqu’on se met à examiner ceux qui fréquentent plus particulièrement les GMS. En effet, la part des gens très insatisfaits des prix y arrivent en seconde place (22%) juste après ceux qui les trouvent moyennement satisfaisants qui, ici, sont plus nombreux (37%). A la troisième place par contre, il y a les personnes qui trouvent les prix très satisfaisants tandis que celles peu satisfaites des prix pratiqués par les commerces ferment la marche (18%).

Les Malgaches fréquentant les GMS sont encore plus insatisfaits des prix pratiqués que la moyenne
Les Malgaches fréquentant les GMS sont encore plus insatisfaits des prix pratiqués que la moyenne

Que peut-on dire de ce sondage sur les Malgaches et leurs courses ?

Indétronables, les tsena ont semble t-il une place particulière dans le cœur des Malgaches. En effet, même s’ils lui font bien des infidélités auprès du libre-service, 9 Malgaches sur 10 se fournissent toujours au marché. D’ailleurs, il apparaît en parallèle que la fréquentation des GMS par les Malgaches est aussi assez faible.

Tout cela fait du marché populaire un détour incontournable pour s’approvisionner, surtout quand on sait que seul le quart des personnes interrogées produisent elles-mêmes des produits qu’elles consomment ensuite (légumes, œufs, etc.).

Enfin, avec une majorité des interrogés qui font leurs courses tous les jours (66%), il est clair que le panier moyen ne vole pas haut : moins de 50 000 ariary (89%), un chiffre représentatif de la relative abordabilité des tsena et des épiceries de quartier.

Pourquoi les tsena sont si incontournables ?

La résistance des marchés populaires est flagrante, mais ce que l’on comprend moins, c’est le pourquoi d’une telle résilience alors qu’ailleurs, en Occident surtout, ils ont tendance à disparaitre.

En fait, au-delà de son rôle premier de faire rencontrer l’offre et la demande, un marché, à Madagascar, est un lieu de rencontre. On y socialise, on se tient au courant des derniers potins et on se complait à y exhiber le contenu de son panier pour montrer son niveau de vie. C’est aussi un lieu vivant où l’on aime marchander âprement 2 ou 3 milliers d’ariary sur un prix déjà bon et où, malgré le coût de la vie à Madagascar qui fait maugréer tout le monde, on aime tout de même aller, ne serait ce que pour flâner. Mijery tsena e !

Au marché, on y fait ses courses, mais on y bavarde aussi beaucoup
Au marché, on y fait ses courses, mais on y bavarde aussi beaucoup

A contrario, les supermarchés et autres libre-services sont plus aseptisés on va dire. Plus carrés et moins bordéliques, on y déambule entre les rayons, le visage serré, en quête de l’article qu’on est venu cherché. On a en fait qu’une seule hâte : sortir de là pour vaquer à nos occupations. Alors oui, on y rencontre de temps en temps une connaissance ou deux, on papote deux minutes, mais on se rend vite compte que les allées étroites des supermarchés ne sont pas faites pour ça : on y est tout serré et il faudra à chaque fois se pousser pour laisser passer les gens. Ah bah oui, c’est tout de suite moins passionnant.

Les principaux marchés de Tana

À l’origine, il y avait le Zoma. Imaginez un immense marché à ciel ouvert en plein milieu d’Analakely, courant depuis là où se trouve actuellement Super Music jusqu’à la gare de Soarano (à la louche hein). 1 km d’une forêt d’étals, de présentoirs, de tables et de bancs hérissée de parasols qui laissaient à peine filtrer la lumière du jour à certains endroits.

Créé à la fin du 18ème siècle, ce marché a débuté à Andohalo, avant de bouger à Antaninarenina en 1896, au début de la colonisation française, pour enfin descendre à Analakely. Après avoir survécu 200 ans, le Zoma finit par être démantelé en 1997. Ouaip, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitreuuuh :P.

Atomisé, le Zoma s’est retrouvé éparpillé partout dans Tana. A Petite Vitesse déjà, tout près, mais également au Camp Pochard qui n’est pas plus loin. Plusieurs marchés ont ensuite été consolidés pour combler le manque, à savoir :

  • le marché d’Ambohimanarina qui a lieu tous les lundis
  • le marché de Besarety qui a lieu tous les mardis
  • le marché d’Andravoahangy qui a lieu tous les mercredis
  • le marché de Mahamasina qui a lieu tous les jeudis
  • le marché de 67Ha (Coum) qui a lieu tous les vendredis
  • et le marché d’Isotry qui a lieu tous les samedis

Ce sont aujourd’hui les principaux marchés de la capitale.

Annexe : le mode opératoire du sondage sur les Malgaches et leurs courses

Cette enquête sur les Malgaches et leurs courses a concerné 1 133 personnes que nous avons interviewé dans la rue. Les principales caractéristiques de cette population se présentent comme suit :

  • Genre :
    • 39,10% sont des femmes
    • 60,90% sont des hommes
  • Tranches d’âges :
    • 17,21% ont entre 18 à 25 ans
    • 29,92% ont entre 26 à 35 ans
    • 28,68% ont entre 36 à 45 ans
    • 14,47% ont entre 46 à 55 ans
    • 5,74% ont entre 56 à 65 ans
    • 3,27% ont plus de 65 ans
  • Catégories socioprofessionnelles :
    • 23,83% appartiennent à la catégorie Salariés
    • 3,71% appartiennent à la catégorie Agriculteurs exploitants
    • 28,33% appartiennent à la catégorie Artisans et commerçants
    • 4,32% appartiennent à la catégorie Étudiants
    • 4,06% appartiennent à la catégorie Retraités
    • 10,86% appartiennent à la catégorie Professions libérales
    • 4,85% appartiennent à la catégorie Sans emploi
    • 8,12% appartiennent à la catégorie Cadres, chefs d’entreprises et professions intellectuelles supérieures
    • 11,30% appartiennent à la catégorie Autres personnes sans activité professionnelle

Note de la rédaction : Vous avez une question sur Madagascar qui vous turlupine ? Un sujet qui vous démange ? N’hésitez pas à le poster dans les commentaires, nous l’inclurons sûrement dans nos prochains sondages !

> Voir aussi : Les habitudes de voyage des Malgaches

> Voir aussi : Tout ce qu’il faut savoir pour une visioconférence réussie

Le MGforum de Stileex

10 Commentaires

  1. Bonjour

    Article intéressant.
    Avez-vous une idée svp du nombre de détaillants (épiceries…) de Tana et de Mada?
    Merci

    • Malheureusement non

  2. Avatar Manoa Andrianarivelo

    Bonjour, j’aimerai connaître beaucoup plus sur l’effet des offres promotionnelles dans les GMS . Merci

    • Avatar Manoa Andrianarivelo

      Je veux dire l’effet des offres promotionnelles des GMS auprès de la population malgache merci

  3. Salama, any ANTSENA Tena Frais sy Bio, na dia somary mikorontana kely, sady mba manampy TANTSAHA ku eh, sady mora.

  4. Avatar Mihaja ny antsa

    Quand je vois que 60% des enquêtés sont des hommes, je me demandes si ce sont réellement les hommes qui effectuent alors les courses au sein d’un ménage. La tendance malagasy n’attribuerait-elle pas généralement ce rôle à la femme. Donc ma question est, est-ce que ces résultats en tenant compte de ces hypothèses reflètent réellement la réalité.

    • C’est une remarque tout à fait pertinente, qu’as-tu à répondre à cela cher Ando :)

    • Élodie Hament Andriatiana Rakotomanga

      Bonjour Mihaja ny Antsa et merci pour votre commentaire !

      En fait, si on y pense bien, votre question pourrait se poser également pour les personnes âgées de 18 à 25 ans, les + de 65 ans ou certaines femmes, trop occupées à travailler pour faire les courses. Et en extrapolant, elle se pose même pour toutes personnes interrogées dans n’importe quel sondage : disent-ils vraiment la vérité, disent-ils ce qu’ils pensent être la vérité, ou plutôt ce qu’ils voudraient bien être vrai ? Tout ça pour dire qu’aucun sondage n’est réellement le reflet de la réalité, mais ne fait que s’en rapprocher. Ici, nous avons demandé aux personnes rencontrées leurs habitudes ou leurs connaissances de cette habitude et dans les deux cas, des biais existent certainement.

      Si l’on prend maintenant comme hypothèse le fait que seule la femme fait les courses, marchés et supermarchés devraient être bondés de femmes. Ce qui n’est pas le cas (sur l’une des images d’illustration, nous avons déjà 3 hommes au marché). Et puis, dans un ménage, on se parle et on communique. Notamment, sur les courses et le coût de la vie. Si l’on part du postulat que généralement, c’est la femme qui fait les courses, alors disons aussi que, dans la société malgache, c’est l’homme qui généralement travaille et fournit l’argent pour les courses. Il doit bien alors savoir de quoi il parle vu que c’est lui qui pourvoit, même si effectivement il peut se tromper sur quelques détails.

      En résumé, je dirais que ces résultats sont tout de même proches de la réalité. D’ailleurs, en les filtrant et en ne gardant que les femmes seules, les hiérarchies, fréquences, etc. restent les mêmes, seuls les pourcentages changent.

  5. Avatar Val Randrianonisoa

    j’aurai voulu savoir plus de détails sur les moyens de paiement.

    • Élodie Hament Andriatiana Rakotomanga

      Bonjour Val,

      Nous n’avons pas interrogé les sondés sur leur moyen de paiement mais, pour un début de piste, je vous réfère à notre étude sur les Malgaches et les banques (https://stileex.xyz/malgaches-banques/) d’où il ressort que seuls 39% des interrogés ont un compte en banque et que seuls 76% d’entre eux encore possèdent une carte bancaire. Sachant que dans le lot, il y en a qui ne possède qu’une carte de retrait (et non une carte de paiement) et sachant aussi qu’au marché, on paie en espèces, on peut avancer sans se tromper que la (très) grande majorité des gens paient leurs achats en liquide.

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