Travail et transport : les Tananariviens sont vraiment des gens courageux

Cet article fait partie de la rubrique spéciale des Sondages à Madagascar 

13/08/2018. Tana l’étouffée, Tana l’embouteillée. Les qualificatifs ne manquent pas pour désigner l’état de constipation flagrant de la circulation dans la capitale (Tana la constipée ? :’)). Les pires moments pour sortir de chez soi ? Les heures de pointe, grand cauchemar des automobilistes dont les faces se décomposent à mesure qu’ils se rendent compte qu’ils vont être en retard au boulot. Ou qu’ils seront chez eux vers 21h, ça dépend.

Alors nous nous sommes intéressés aux moyens de transport et au trajet des Malgaches pour aller au travail. En gros, en heure de pointe le matin. Un sondage que nous avons fait passer à 1 133 personnes rencontrées sur le terrain, dans la rue. Alors, y a-t-il tant de voitures que ça dans les artères d’Antananarivo ?

Les points saillants du sondage sur les moyens de transport et le trajet des Tananariviens pour aller au travail

Sondage sur les moyens de transport et le trajet des Tananariviens pour aller au travail
Sondage sur les moyens de transport et le trajet des Tananariviens pour aller au travail

Petit préambule

Devoir sortir tous les matins pour aller gagner sa croûte n’est pas le lot de tout le monde. Parmi les 1 133 personnes que nous avons interrogées, après avoir écarté les étudiants, les personnes à profession libérale et autres femmes au foyer, seuls 953 devaient au final sortir travailler. Autrement dit, les résultats qui vont suivre sont basés sur ce panel de 953 personnes.

Bus, bus everywhere

Et donc, comment ces 953 personnes font-elles pour aller travailler ? Eh bien sans surprise, elles prennent majoritairement  le taxi-be : 50% d’entre elles vont au travail en bus.

En seconde place, l’autre mode de locomotion préféré des travailleurs tananariviens reste cette bonne vieille paire de gambettes. Ils sont en effet 25% à préférer aller à pied au boulot ! Suivent ceux qui y vont à moto ou en scooter (13%), ceux qui y vont en voiture (10%) et enfin ceux qui préfèrent y aller à vélo (2%).

Parmi les travailleurs qui prennent le bus, 81% n’en prennent qu’un seul pour se rendre à leur travail, tandis que 17% doivent en prendre deux et 1% trois. Enfin, ils sont 2% à devoir prendre quatre bus et plus. En moyenne, un Tananarivien doit prendre 1,2 bus pour aller au travail.

Les taxi-be restent le moyen de transport le plus utilisé par les Tananariviens pour aller au travail
Les taxi-be restent le moyen de transport le plus utilisé par les Tananariviens pour aller au travail

Le temps du trajet et la perception de la fatigue qu’il engendre

D’une manière générale, les Tananariviens ne travaillent pas loin de chez eux. En effet, 49% mettent moins de 30 minutes à arriver au travail et 29% font le trajet en 31 à 60 minutes.

Quant à ceux qui mettent plus longtemps, entre 61 et 90 minutes, ils sont 15%, suivis de ceux qui doivent vadrouiller entre 91 et 120 minutes avant d’arriver et qui représentent 4% du panel. Enfin, ils ne sont que 1% à devoir « voyager » plus de 120 minutes pour rejoindre leurs lieux de travail.

Étonnamment, quand vient le moment de demander à ces travailleurs leur ressenti sur la pénibilité de leur trajet, ils sont une majorité à le trouver normal (63%). 29% jugent ensuite le trajet fatiguant, mais acceptable, 5% le trouvent très fatiguant et seule une très faible minorité, 0,21%, le trouve pénible.

La plupart des Tananariviens jugent que leur trajet pour aller travailler n'est pas du tout pénible
La plupart des Tananariviens jugent que leur trajet pour aller travailler n’est pas du tout pénible

Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que cette distribution est respectée (à plus ou moins quelques points près) même si l’on s’intéresse aux personnes à pied et à vélo :

  • 61% trouvent le trajet normal
  • 27% le trouvent fatigant, mais supportable
  • 9% le trouvent très fatigant
  • et 0,39% le trouvent pénible

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Ce que l’on peut dire sur ce sondage sur les moyens de transport et le trajet des Tananariviens pour aller au travail

50% des Tananariviens prennent le bus pour aller au travail. Ça, on pouvait encore le deviner. Mais que 25% fassent le trajet vers leurs lieux de travail à pied est terriblement étonnant.

Mieux, dans ce quart qui préfère les joies de la marche au joug de la circulation, on compte 28% qui marchent entre 31 et 60 minutes, 14% entre 61 et 90 min et 3% qui sont carrément bons pour une trotte comprise entre 91 et 120 min tous les matins. Ouch.

Autre chose remarquable : peu importe qu’ils soient à pied, à vélo, en bus, en voiture ou en scooter, ou qu’ils partent travailler à 1h ou 2h de chez eux, les Tananariviens restent stoïques. Ils sont ainsi continuellement une majorité à trouver le trajet soit normal, soit fatigant, mais restant toujours acceptable. Un exploit vu le sacerdoce que c’est que de circuler, surtout en bus, dans la capitale.

C’est comment de prendre les bus aux heures de pointe à Tana ?

Courageuses. Il n’y a pas d’autres mots pour qualifier ce million d’âmes et plus qui, tous les matins, s’éveillent à Antananarivo et se ruent sur les bus à l’heure de pointe pour aller au boulot.

Déjà, il y a 2 approches pour le taxi-be le matin : l’approche « terminus » et l’approche « sur le chemin », le fameux « antenatenan-dàlana ». Dans le premier cas, vous pensez être tranquille, vous allez prendre le bus au terminus quand même. Sauf que, surpriiiiiiise, il n’y a aucun bus et une file d’attente de bâtard dès 6h du mat.

Dans le second cas, vous allez prendre le bus à un arrêt intermédiaire, sauf que, quand même au terminus y a une longue queue pour le prendre, eh bah bonne chance pour en attraper un au milieu de son itinéraire.

Bienvenue dans un bus malgache...
Bienvenue dans un bus malgache…

Mais ça, ce n’est que le matin. Parce que le soir, pour revenir chez soi, c’est rebelote avec une subtilité : les files d’attente et la civilité, on oublie. Là, c’est la loi de la jungle et il faudra s’attendre à rentrer (très) tard si on n’est pas prêt à jouer du coude. Après on s’étonne qu’on soit très bon dans les sports de combat :D.

Alors donc, comment faire pour prendre le bus aux heures de pointe ? Deux mots : patience et combativité ! Est-ce à dire que le parc de bus desservant actuellement Antananarivo n’est pas suffisant ? Voyons ça.

Bus, bus everywhere (bis)

Il y a, à l’heure actuelle, 67 coopératives de transport urbain qui desservent les quartiers des 6 arrondissements d’Antananarivo. À cela s’ajoutent 10 coopératives de transport suburbain ralliant les banlieues de la capitale, comme Anjomakely, Ivato ou encore Vilihazo, au centre-ville.

Toutes ces coopératives utilisent principalement des véhicules utilitaires légers, de type Mercedez-Benz Sprinter ou camionnettes Mazda Bongo E 2200, aménagés pour accueillir un total de 22 places assises (20 à l’arrière et 2 devant, à côté du chauffeur). Au final, ils forment une armada d’environ 5 100 véhicules (chiffre 2013). Ouais, des milliers de taxi-be libérés sur Tana tous les jours, qui stationnent comme des sagouins aux arrêts, qui font la course pour choper les voyageurs en premier, et qui manquent singulièrement de savoir-vivre et d’intelligence (mon avis personnel).

Environ 5 100 de ces belles bêtes hantent les routes de Tana chaque jour...
Environ 5 100 de ces belles bêtes hantent les routes de Tana chaque jour…

Mais ce n’est pas fini : à cela s’ajoutent environ 3 800 taxis (2016) et les autres véhicules à 4 et 2 roues qui empruntent quotidiennement les rues d’une ville de plus de 2 millions d’habitants que ni un Plan d’urbanisme directeur, ni un Plan sommaire d’urbanisme, ni un Plan d’urbanisme de détail n’aura pu gérer. Déjà à la base, on part perdant.

Si l’on rajoute maintenant à cela l’incivilité routière chronique, la méconnaissance du Code de la route (faute d’autres mots…), l’amour qu’on a pour les gros 4×4 alors que nos rues sont étroites (d’ailleurs, ne vous êtes vous jamais demandé pourquoi les gens achetaient ça alors que c’est inadapté ?!), faut pas s’étonner que ça bouchonne sévère. Oh, et l’état déplorable des routes, mama mia…

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La sortie du tunnel ?

Il y a donc plusieurs facettes au problème, mais ce que l’on peut retenir, c’est que ce n’est pas tant le nombre de véhicules circulant à Tana qui pose souci, mais bien les routes elles-mêmes.

Dessinées il y a une soixantaine d’années, elles peinent à absorber l’augmentation de leurs usagers, surtout que la construction de nouvelles routes se fait au rythme d’une par évènement majeur accueillie par la ville. La dernière en date ? La rocade reliant Andohatapenaka à Ambodihady d’un côté, et au boulevard de l’Europe de l’autre : ouverte en novembre 2016 à l’occasion du sommet de la Francophonie, elle a été fermée aussi sec après pour être rouverte quelques mois plus tard. Le plus drôle, c’est qu’elle est aujourd’hui aussi embouteillée qu’ailleurs, merci à 3 bons gros casseurs de vitesse allongés en plein milieu du tronçon.

Par contre, il faut signaler qu’en juillet 2018 a commencé la construction de trois nouvelles rocades censées fluidifier la circulation dans la capitale :

  • Axe Ambohimanambola – marais Masay (connectant la RN2 à la RN3 !)
  • Axe Tsarasaotra – Ivato
  • Axe Andohatapenaka – Ambohidatrimo – Anosiala – Ivato

Pesant 62,8 millions d’euros et cofinancés par l’Agence française de développement, l’Union européenne, la Banque européenne d’investissement, le gouvernement chinois et le gouvernement malgache, ces 3 nouvelles routes entrent dans la logique de l’ambitieux projet « Grand Tana ».

Prévu pour 2008, c’est donc avec 10 ans de retard que ce dernier est lancé avec comme objectif avoué de désengorger la ville. Normalement, nous n’aurons pas à attendre longtemps pour ça : les travaux ne sont censés durer que 20 mois. Reste juste à espérer qu’ils ne vont pas truffer les nouvelles rocades de casseurs… :’).

Annexe : la méthodologie du sondage sur les moyens de transport et le trajet des Tananariviens pour aller au travail

Ce sondage sur les moyens de transport des Tananariviens et leur trajet pour aller au travail a été fait auprès d’un panel de 1 133 personnes dont seuls 84,1% sortent chaque matin pour aller au travail (952,8 personnes). Les principales caractéristiques de cet échantillon de 84,1 % se présente comme suit :

  • Genre :
    • 36,73% sont des femmes
    • 63,27% sont des hommes
  • Tranches d’âges :
    • 15,63% ont entre 18 à 25 ans
    • 32% ont entre 26 à 35 ans
    • 31,58% ont entre 36 à 45 ans
    • 14,80% ont entre 46 à 55 ans
    • 4,83% ont entre 56 à 65 ans
    • 0,73% ont plus de 65 ans
  • Catégories socioprofessionnelles :
    • 28,12% appartiennent à la catégorie Salariés
    • 4,41% appartiennent à la catégorie Agriculteurs exploitants
    • 33,68% appartiennent à la catégorie Artisans et commerçants
    • 12,07% appartiennent à la catégorie Professions libérales
    • 11,33% appartiennent à la catégorie Cadres, chefs d’entreprises et professions intellectuelles supérieures
    • 11,33% appartiennent à la catégorie Autres personnes sans activité professionnelle

Note de la rédaction : Vous avez une question sur Madagascar qui vous turlupine ? Un sujet qui vous démange ? N’hésitez pas à le poster dans les commentaires, nous l’inclurons sûrement dans nos prochains sondages !

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